Louise Beneat Février, 2025  3 min

Les ajíes péruviens: un héritage culinaire et culturel de 8000 ans.

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Quand on vous parle de piment, vous pensez à la cuisine mexicaine ? Au curry indien ? Ou encore au Wasabi japonais ? Pourtant, c’est le Pérou qui devrait vous venir à l’esprit. En effet, ce pays connu pour ses trésors archéologiques possède également la plus grande variété de piments au monde. Grâce à sa qualité et sa diversité, cet aliment a su s’imposer aux fils des siècles comme une part identitaire de la cuisine péruvienne.

De la découverte à l’indispensable

Comme pour beaucoup de pays d’Amérique Latine, la découverte et l’usage du piment au Pérou remonte à des millénaires. En effet, le peuple Inca utilisait le piment dans son alimentation, que ce soit dans les soupes, dans les salades ou pour accompagner la viande ! Mais ce n’est pas tout. Le piment faisait aussi partie intégrante de la culture. On peut le voir représenté sur beaucoup d’objets, comme des bols, des vases, ou des pots.

Au fil des siècles, son utilisation a continué de croître et, d’après les archives, beaucoup d’explorateurs européens décrivent le piment comme absolument indispensable au peuple péruvien. Miguel de Cúneo écrit par exemple en 1495 que les « indiens » mangent le piment comme les européens mangent les pommes. En 1609 c’est Garcilaso de la Vega qui affirme que les péruviens ne mangent rien sans « uchu », (le nom quechua pour désigner le piment). On dit aussi qu’il était apprécié des populations plus pauvres de la région car permettait de donner plus de saveurs aux plats et de cacher le goût de certains aliments.

Aujourd’hui, le piment reste un élément principal de la cuisine péruvienne. Beaucoup de ajíes sont encore cultivés dans les fermes familiales et parfois non commercialisés tant il y a de variété de ce petit aliment piquant si apprécié ! Et il reste également très présent dans la culture. On le retrouve dans les œuvres de Mario Molina, et même dans les publicités. Oui, les marques s’adaptent à la culture péruvienne en ajoutant des ajíes dans les saveurs et les graphiques !

Le piment, une plante médicinale ?

Vous ne le saviez pas ? En plus d’être très utilisé en cuisine et représenté dans l’art, le piment est rempli de vertus médicinales. Il est d’abord très bon pour la digestion et cela se sait depuis longtemps déjà. En 1653, Bernabé Cobo dit qu’il facilitait la digestion si pris en petite quantité. Un vrai remède de grand-mère pour ceux souffrant de ballonnements !

Laissez également tomber le Doliprane et la Ventoline. Il a été démontré que le piment est efficace contre le mal d’altitude, les migraines et l’asthme. Et pour les sportifs…, on peut aussi s’en servir en cas de douleur musculaire ! On comprend mieux alors pourquoi les péruviens ne peuvent pas s’en passer. Certes, comme beaucoup de choses, il faut tester pour le croire, mais ce qui est sûr, c’est que le piment est rempli de bénéfices pour votre corps. Alors la prochaine fois que vous vous sentez malade, ne courrez pas à la pharmacie mais testez la magie du ají !

L’infinité de « ají » péruviens

Le Pérou compte plus de 25 sortes de piments, appelés « ajíes » en Amérique du Sud. Parmi cette grande palette, 5 d’entre eux sont domestiqués depuis… l’époque Inca ! Mais avant de faire le tour de cette grande famille, un peu d’histoire. Les piments péruviens viennent de la famille des « capsicum », terme utilisé pour nommer de manière plus large les piments venant du continent sud-américain. Et pour l’anecdote, cette famille de piment serait originaire du Pérou, dans la région du Lac Titicaca ! Rien d’étonnant à ce que le pays en possède une si grande diversité !

Maintenant, petit tour de notre grande famille. Il y a d’abord le capsicum baccatum, qui est la variété la plus cultivée sur le sol péruvien. Ses caractéristiques ? Sa forme longue et sa couleur jaune orange. Le capsicum chinense est quant à lui la forme la plus variable de piments péruviens, que l’on retrouve principalement sur la côte nord. Le capsicum frutescens, un piment beaucoup plus petit que ses paires, est souvent cultivé dans les jardins. Le capsicum annuum est rouge, de forme variable et de petite taille. Finalement, la dernière espèce est le capsicum pubescens, ají typique de la Sierra. Il est de taille moyenne et de forme carrée, un peu comme un poivron. Attention à ne pas se tromper ou votre bouche s’en souviendra ! Car oui, le piment rocoto, qui vient de cette dernière famille est le piment le plus fort de ce grand pays, je vous laisse imaginer ! Maintenant que votre culture générale sur les piments est à son apogée, retenez ceci: le plus important est que parmi ces cinq grandes familles il y a une palette inimaginable de ajíes avec un panel de saveurs pour plaire à tous les goûts. Du ají purement piquant à celui aux saveurs plus fruitées, vous trouverez forcément votre bonheur !

Nota Bene: Et surtout, attention à ne pas appeler “pimiento” les “ajíes”, car ce terme désigne pour les hispanophones… un poivron ! Vous serez alors sûrement déçu…

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Un tour en cuisine

La cuisine péruvienne est donc la majorité du temps composée de « ají ». Si un jour vous mangez un ceviche qui n’est pas relevé… eh bien, je suis désolée de vous l’apprendre, mais un péruvien vous dira que vous n’en avez pas goûté un vrai.

Pour finir cet article comme il se doit, voici une liste des plats à base de ají à absolument goûter lors de votre séjour au Pérou:

Commençons par la mer. Si vous passez par Lima ou d’autres villes côtières, vous devez absolument goûter au ceviche, mais attention… si vous séjournez dans les montagnes, ne vous aventurez peut-être pas de ce côté ou votre estomac pourrait faire des siennes !

Si vous aimez les tomates farcies, ne passez pas à côté d’un bon « rocoto relleno », plat originaire d'Arequipa, qui est donc… un piment farci. Mais, prenez garde à ce que votre bouche ne s’enflamme pas !

Les amateurs de viande tomberont amoureux en goûtant les fameux « anticucho de corazón ». Ces brochettes issues de l’héritage afro-péruvien sont marinées dans l'ají lors de la préparation. N’attendez plus, à vos brochettes !

Seulement les plus audacieux oseront tester le « piquante de cuy », qui est un plat à base… de cochon-dinde ! Car oui, les péruviens raffolent de cette viande agrémentée de piment, et ce dans toutes les régions.

Finalement, une des spécialités péruviennes à base de piment la plus emblématique est « l’ají de gallina ». Mais quel est ce plat ? C’est un plat simple en préparation mais riche en bouche: du poulet accompagné d’une crème parfumée au piment, souvent servi avec du riz. Testez, vous ne serez pas déçu. Ce plat devrait d’ailleurs son origine… aux cuisiniers français expatriés après la révolution de 1789 ! Une raison de plus pour ne pas passer à côté.

Alors, maintenant que vous connaissez l’importance culturelle des ajíes ici, n’hésitez plus et venez découvrir la riche cuisine péruvienne avec nous ! Vos papilles vous remercieront !

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